Faculté & Recherche -« Faire ou ne pas faire » : comment les managers peuvent-ils gérer les procrastinateurs, les « flemmards », dans leurs équipes ?

« Faire ou ne pas faire » : comment les managers peuvent-ils gérer les procrastinateurs, les « flemmards », dans leurs équipes ?

Si la crise financière mondiale soumet les entreprises et leurs collaborateurs à une pression croissante sur le plan de la productivité, les managers se sont toujours souciés de tirer le meilleur parti des personnes peu motivées au sein de leurs équipes. L’identification des différents types de proscrastinateurs, des personnes qui remettent systématiquement au lendemain leurs actions ou « retardataires chroniques », et des conséquences de leur inefficacité peuvent aider les managers à s’attaquer de front à ce problème et à rétablir un rythme de travail conforme aux objectifs.

Les managers savent combien la procrastination est nocive dans l’entreprise : les insuffisances d’un collaborateur ont un effet négatif sur la productivité globale en raison des pertes de temps et de ressources qui en résultent, mais aussi sur le moral et la cohésion de l’équipe. Celle-ci reflète la diversité humaine : si certaines personnes sont par nature peu enthousiastes envers leur travail, d’autres essaieront instinctivement d’assumer une charge supplémentaire pour compenser ces carences au prix de l’avancement de leurs propres tâches. Ces deux types de comportement posent des difficultés. Les managers doivent donc prendre le problème à la soucre en s’informant sur la procrastination professionnelle et en la gérant proactivement afin d’optimiser les performances et la productivité.

Procrastinateurs – caractéristiques et conséquences

Les études précédemment menées sur ce thème se sont concentrées presque exclusivement sur les étudiants et les professeurs. L’environnement professionnel offre donc un territoire relativement inexploré sous l’angle théorique, mais nécessite aussi d’être abordé concrètement.
Le procrastinateur connaît généralement une progression de carrière lente,potentiellement entrecoupée de périodes de chômage. Il est davantage sujet au stress et aux maladies et il cherche souvent à éviter les missions prioritaires, que ce soit en surfant sur le Web, en bavardant avec ses collègues ou en créant des tâches moins critiques afin de « différer l’inévitable ».
Il a parfois une faible estime de lui et une mauvaise opinion de son travail car il le juge peu gratifiant. L’une des causes potentielles de la procrastination est une mauvaise gestion du temps ainsi que l’incapacité à gérer efficacement les émotions négatives. L’idée selon laquelle de nombreux procrastinateurs estiment être plus performants par la pression qu’ils s’imposent eux-mêmes en travaillant jusqu’à la dernière minute a été largement démystifiée.
Ce type de comportement peut inciter certains collaborateurs à assister leurs collègues moins productifs, et de ce fait à consacrer moins de temps à leurs propres tâches. Cette situation peut générer des tensions dans l’équipe et surtout, une charge financière sur l’ensemble de l’organisation. Les managers peuvent être tentés d’externaliser certaines tâches inachevées dans des pays à moindre coût plutôt que d’investir davantage dans du personnel improductif.

Savoir à qui on a affaire

Les managers doivent d’abord identifier les différents types de procrastinateurs au sein de leur équipe pour ensuite établir un plan d’action adapté. L’étude menée met en évidence trois catégories principales de procrastinateurs :
1. « Le procrastinateur indiscipliné » : impulsif et donc rebuté par les tâches peu motivantes et détaillées, il est généralement calme mais travaille ensuite frénétiquement. Il passe beaucoup de temps à se plaindre et à inventer des excuses pour ses retards, et il ignore les échéances qui régissent l’avancement des projets.
2. « Le procrastinateur inquiet » : il se caractérise par une faible estime de lui et ne sait pas gérer ses émotions. Privilégiant les tâches familières et peu risquées, il souffre d’un blocage de la motivation et a besoin de réassurance et d’approbation. Il demande des reports de délais et minimise ce qu’on attend de lui.
3. « Le procrastinateur excessif bien intentionné » : très motivé et impliqué, il accepte des missions au-delà de ses capacités et par conséquent échoue à réaliser les objectifs attendus. Il ne sait pas bien gérer son temps ou signaler des problèmes d’échéances.
Ces trois profils illustrent différentes formes de procrastination professionnelle. Elles doivent être traitées au cas par cas.

Intervenir et implémenter

Sachant que certains procrastinateurs, et notamment les inquiets, ont besoin d’être pris en main, la proactivité des managers est essentielle. Une fois l’un des traits ci-dessus détecté chez un collaborateur, il est essentiel de traiter le problème individuellement mais aussi en équipe afin de renforcer le moral et la productivité de tous. Il n’existe pas de technique infaillible pour stimuler les équipes démotivées, mais des approches telles que la formation à la gestion du temps, l’intervention sur l’environnement de travail et la sélection des collaborateurs peuvent au moins contribuer à réduire le problème.
Quant aux procrastinateurs indisciplinés et excessifs, il est plus qu’utile de connaître leur emploi du temps, de les aider à se réorganiser, d’encourager la planification et la gestion de priorités au quotidien et d’anticiper l’arrivée de tâches imprévues. Une autonomie accrue peut renforcer leur motivation, car elle entraîne une plus grande visibilité de leur contribution individuelle au sein de l’équipe, une manière de récompenser ceux qui anticipent les délais. La responsabilisation, dans la réussite comme dans l’échec, est essentielle. L’approche la plus difficile à mettre en œuvre correctement est certainement la sélection des collaborateurs lors du processus de recrutement, soit en contrôlant leurs références, soit par le recours à des prestataires externes qui effectuent des inventaires de personnalité.
Une chose est sûre : avec le développement des équipes multinationales, la diversification des niveaux et des types de postes et l’importance accrue des compétences en matière de management interculturel, le responsable confronté à la procrastination professionnelle ne risque pas de chômer.

 


Cet article est basé sur l’étude A Manager’s Guide to Workplace Procrastination, (Guide de la procrastination pour les managers) rédigée par Agata Mirowska et Mark Skowronski et publiée dans le SAM Advanced Management Journal (été 2013).
Agata Mirowska est professeur assistant à l’ESC Rennes Business School où elle enseigne le comportement organisationnel et la gestion des ressources humaines. Ses domaines de recherche recouvrent le recrutement et la fidélisation du personnel, le self-management, les relations humaines et le leadership.
Mark Skowronski enseigne le comportement des organisations, la gestion des ressources humaines et la communication d’entreprise au Ramapo College of New Jersey. Ses recherches portent sur le stress professionnel, le self-management et les comportements professionnels contre-productifs.