Faculté & Recherche -RSE : la nécessité d’un dialogue stratégique et d’une gestion pertinente des acteurs impliqués

RSE : la nécessité d’un dialogue stratégique et d’une gestion pertinente des acteurs impliqués

La mise en œuvre d’une stratégie RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) au sein des entreprises est perçue comme un moyen de renforcer la performance environnementale d’une organisation et les conditions de travail de ses employés. La démarche ne sera cependant couronnée de succès que si les managers RSE se montrent disposés à engager un dialogue ouvert et proactif avec les acteurs impliqués. En observant de plus près les différentes approches, il apparaît qu’un tel discours est plus facile à énoncer qu’à déployer. Les échecs comme les success stories recensés offrent cependant des exemples aux entreprises désireuses de s’y engager.

 

L’importance croissante accordée à la politique de RSE est une bonne nouvelle pour les partisans d’une pratique commerciale responsable. Chacun des acteurs concernés, au sein d’une entreprise privée comme d’un organisme public, doit être impliqué sérieusement dans l’adoption et l’application d’une initiative d’une telle ampleur ; d’autant que les politiques RSE varient tant en termes de contenus que d’objectifs, au même titre que les processus de discussion qui en découlent, les sujets en jeu, la participation des intervenants et la fréquence des échanges. Idéalement, le dialogue stratégique conduit à des actions concrètes, qui doivent être suivies et analysées. Une étude récente portant sur un panel d’entreprises françaises a ainsi révélé un certain nombre d’approches aux résultats divergents.

Des facteurs clés de réussite

Pour développer et appliquer avec succès une politique RSE, quatre principaux facteurs ont été identifiés :
– Une entreprise doit tout d’abord vouloir s’engager ; elle ne doit pas recourir à la RSE comme une solution rapide et à court-terme pour résoudre un problème ou faire face à une menace interne ou externe.
– La stratégie doit être soutenue par la Direction et le top management, afin de souligner l’engagement global de l’entreprise dans la démarche.
– Le suivi des actions qui en découlent est crucial pour assurer la viabilité du processus de mise en oeuvre.
– L’évaluation par des tiers s’avère fondamentale pour bénéficier d’une vision objective de la situation, qui pourra dès lors être partagée en interne et en externe, dans un souci de transparence totale et de légitimité sociale.

Ces quatre conditions remplies, l’entreprise doit dialoguer avec ses partenaires si elle veut augmenter ses chances de concevoir et d’adopter avec succès une stratégie pérenne de RSE. Première étape : établir une cartographie complète des parties prenantes et une analyse aboutie de leurs attentes et de leur relation avec l’entreprise. Les bénéfices d’une telle approche sont nombreux : confiance favorisée, possibilité de mettre au point des solutions innovantes et opportunité de tester de nouveaux projets en adéquation avec la nouvelle politique RSE. Difficile, sur la base de ces conseils, de faire fausse route ? Et pourtant, la réalité du développement d’une stratégie RSE reste le plus souvent très éloignée de la théorie…

Des styles, des approches et des objectifs différents

Pour comparer le modèle théorique de développement de la RSE à la gestion concrète et pratique des acteurs impliqués, une analyse approfondie a été menée sur douze entreprises françaises, selon cinq critères principaux relatifs aux managers RSE : style de communication, cadre et fréquence de dialogue, profil des intervenants ou encore sujets abordés. Contrairement aux recherches précédentes en France, des types d’entreprises variés ont cette fois été évalués : sept multinationales, cinq sociétés cotées en bourse, une entreprise publique, deux entreprises familiales, une coopérative et deux institutions publiques. Les secteurs et industries étaient eux aussi vastes : construction, industrie agro-alimentaires, produits pharmaceutiques, services publics, transports… Premier constat : quatre types de démarches ont clairement été identifiées, chacune selon des styles, des approches et des objectifs différents.

Le premier type de dialogue identifié se caractérise par une réponse en réaction à une crise ou à une menace, et par l’utilisation de la stratégie RSE comme un pansement que l’on applique une fois que le mal est fait. Dans ce cas, la performance supplante la préoccupation RSE sur le long-terme et le dialogue s’avère finalement peu coopératif.
La seconde approche identifiée s’apparente à une véritable “boîte de Pandore” d’opportunités en matière de mise en œuvre de la RSE, sur la base d’un dialogue très ouvert mais dans le cadre d’organisations qui n’ont pas montré leur capacité à faire face à tous les défis qu’il impose. Si cette approche de la gestion des acteurs impliqués s’applique parfaitement aux institutions publiques, où le consensus repose sur la transparence, elle fonctionne difficilement pour les entreprises du secteur privé.
La troisième tendance identifiée repose sur une approche plus mature du dialogue et sur le développement d’outils en soutien à la politique RSE, cherchant cependant davantage à éviter les conflits qu’à chercher de véritables solutions. Ainsi, elle concerne surtout les entreprises désireuses de protéger leur image et leur réputation.
La dernière approche est la plus proactive de toutes. Avec elle, l’ensemble du processus de discussion et de développement repose sur un dialogue visant à anticiper les problèmes et à construire des solutions durables et collaboratives. Son objectif : améliorer l’efficacité de l’entreprise dans son ensemble tout en générant une valeur partagée par tous.

Un dénominateur commun : des parties prenantes impliquées tout au long du processus

L’étude révèle que le dialogue ne saurait s’inscrire dans un seul type de modèle. Le type d’entreprise influence fortement l’approche adéquate à adopter. Ce qui est commun à l’ensemble des scénarios, c’est la nécessité de surmonter les obstacles au dialogue : fermeture, manque de fréquence, manque de rétroaction ou encore utilisation de la RSE comme solution rapide et à court-terme à une situation de crise. Il est primordial d’établir des objectifs et des programmes clairs pour établir le dialogue, et d’impliquer les parties prenantes tout au long du processus. Dès lors, les managers RSE pourront expérimenter sans angoisse les différents formats et configurations disponibles. Et ils pourront ainsi appliquer une véritable stratégie de RSE, qui ne soit pas seulement de façade, mais qui soit conçue et discutée en tant que véritable outil de conduite du changement et d’amélioration de la performance.


Ce texte s’inspire de l’article “Dialogue entre parties prenantes : outil stratégique ou perte de temps ?”, écrit par Laetitia Guibert et Julia Roloff.

Julia Roloff est professeure associée à Rennes School of Business. Ses domaines de recherche comprennent la gestion de l’innovation, l’entrepreneuriat académique, l’économie de l’innovation, les interactions entre la science et l’industrie ou encore l’analyse des réseaux sociaux.

Laetitia Guibert est diplômée de Rennes School of Business (Master of Science, Sustainable Management & Eco-Innovation ou SMEI). Elle travaille actuellement comme responsable de projet RSE au sein d’Expanscience, un laboratoire pharmaceutique et dermo-cosmétique indépendant français.

 

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