Faculté & Recherche -Stratégie de conquête de marché : quel impact sur la performance des entreprises ?

Stratégie de conquête de marché : quel impact sur la performance des entreprises ?

Faut-il faire confiance en vos ressources internes ou suivre votre instinct quant à l’état du marché ? Dans un cas comme dans l’autre, quelles sont vos chances de performance et de survie à long terme ? Les entreprises doivent faire face à ce dilemme stratégique lorsqu’elles se posent la question du moment idéal pour commercialiser leurs produits et leurs services. Un logiciel de simulation multi-entreprises et multi-cycles a été mis au point. Son objectif : leur permettre de répondre à ces questions vitales en disposant d’une meilleure confiance en leurs capacités avant de faire le grand saut.

Stratégie “market pull” (l’innovation est expliquée par la demande du marché pour des nouveautés) ou stratégie “resource push” (elle repose sur les ressources internes aux entreprises) ? Depuis longtemps, le débat reste vif lorsqu’on aborde la question de la stratégie de conquête de marché. Les entreprises font ainsi face à deux possibilités. Premier cas de figure : évaluer leur environnement externe et se baser sur cette analyse pour décider du bon moment de se lancer à l’assaut de parts de marché en vue d’augmenter leurs bénéfices. Dans le second cas, il s’agira pour elles d’évaluer aussi précisément que possible leurs propres capacités internes afin de paramétrer dans le détail leurs opérations commerciales. La première stratégie repose sur une évaluation, qui va de l’externe vers l’interne, des capacités d’une entreprise : elle vise une création de valeur pour les futurs clients qui suppose de surpasser ses concurrents et de grappiller autant de parts de marché que possible. La seconde approche repose quant à elle sur la démarche inverse, dans un mouvement qui va de l’intérieur vers l’extérieur : elle se concentre sur la capacité de l’entreprise à développer et à déployer des services, des produits et un savoir-faire uniques afin de neutraliser la menace de la concurrence. Dans les deux cas, la question reste la même : quel est le moment le plus opportun pour agir, et sur quelle base s’appuyer pour réussir ?

Une nécessité pour les entreprises : comprendre leur environnement

Chaque approche présente des atouts qu’il convient de replacer dans le contexte du marché visé et du degré de perturbation auquel il est soumis. Car toute démarche appliquée avec succès et permettant la rentabilité mène à la même conclusion : il faudra partager le butin avec la concurrence. Une entreprise réaliste saura donc anticiper la nécessité de convaincre les consommateurs que ses produits et services sont meilleurs que les autres.

La notion de facteur clé de succès recense précisément l’ensemble des aléas qu’une entreprise peut rencontrer. La valeur de ses ressources doit donc être dûment estimée, les décisions d’achat soigneusement budgetées, et le coût potentiel de l’entrée sur un marché évalué dans le cadre d’opérations globales. Ces évaluations auront un impact non seulement sur la stratégie adoptée, mais aussi sur la configuration de l’entreprise. Et ce, que l’entreprise soit “de novo” (ce qui concerne les organisations présentant des structures fluides mais bénéficiant de relativement peu de ressources en amont) ou “de alio” (désignant des ramifications créées depuis une entreprise mère opérant sur différents marchés et disposant de réserves et de ressources considérables). Quoiqu’il arrive, comprendre son environnement reste donc indispensable pour une entreprise.

Concurrence : le scénario parfait

L’exercice repose sur des conditions de “concurrence parfaite”. Il s’agissait en effet de s’assurer que toutes les entreprises examinées soient jugées sur une base et des critères identiques : prix de vente, produit(s), marché(s), taille de l’entreprise ou encore transparence complète de l’information disponible. Les stratégies et les ressources ont été évaluées dans les contextes “de novo” et “de alio”, afin d’estimer la performance et le taux de survie en fonction des entreprises selon un niveau de détail jamais égalé dans le cadre d’une simulation.

La loi du plus fort… et du mieux préparé

De manière générale, les entreprises qui présentent une stratégie de ressources push se sont avérées plus performantes que leurs homologues en mode market pull : ces derniers duraient en revanche plus longtemps malgré un rendement initial plus lent.
Parmi celles qui ont adopté une stratégie de ressources push, les start-up les plus récentes ont présenté l’avantage de disposer d’une structure globalement moins onéreuse. Les entreprises constituées en ramifications “de alio” appliquaient pour leur part une approche de marché pull avec davantage de succès, aidées et soutenues par les entreprises mères disposant de nombreuses ressources.

Du point de vue des praticiens, les implications de l’étude sont claires : les managers des entreprises appliquant une stratégie de conquête pull devraient chercher des marchés plus profitables tout en restant sensibles aux problématiques de temps et cibler les avantages dont elles peuvent bénéficier en tant que premiers arrivés. De l’autre côté, les managers misant sur des ressources push devraient chercher à consolider leurs relations clients mais ne pas s’attarder trop longtemps sur le choix de leur marché afin de s’épargner les coûts de maintenance des ressources non utilisées. Ce que cette étude révèle principalement, ce sont les avantages de tester, encore et encore : les entreprises se donneront ainsi les meilleures chances d’entrer sur un marché aussi préparées que possible. En ces périodes agitées, une connaissance préalable du marché et des ressources dont on dispose est donc une véritable mine d’or.


 Ce texte s’inspire de l’article “Market pull ou resource push : les effets des deux approches sur la performance des entreprises pénétrant de nouveaux marchés”, écrit pas Jean-Philippe Timsit, Annick Castiaux, Yann Truong, Gerard Athaide et Richard Klink et publié dans “The Journal of Business Research” (68, 2015).

Jean-Philippe Timsit est professeur adjoint en stratégie et en innovation à l’ESC School of Business de Rennes.

Yann Truong est maître de conférences en stratégie et en innovation à l’ESC School of Business de Rennes. Il s’intéresse tout particulièrement au marketing aspirationnel, à la publicité des nouveaux médias et au marketing de l’innovation.